Ce qui frappe d’emblée dans le travail plastique d’Élisabeth Batteur, c’est l’abondance des images et la diversité des sources iconographiques qu’il convoque. Au départ peindre c’est remplir l’espace littéral de la toile, mais ici c’est bien la saturation des signes qui rend le champ visuel moins stable. Nous sommes de fait dans une peinture qui vient après les appareils d’enregistrement et surtout après la reproductibilité « numérique » des images. Entendons par là que ce qui est proposé dans les paramètres d’un appareil est à réinvestir dans le domaine pictural. Certes un glacis n’est pas un calque numérique, mais dans les deux cas celui qui crée n’a jamais une idée préconçue de l’image finale. De la même manière, dans une démarche de détournement de documents préexistants (found footage, remixes, etc…) c’est la rencontre, l’occurrence qui fait loi. Dans sa peinture Élisabeth Batteur joue donc avec ce recouvrement/découvrement de l’image. Mais le choix de révéler l’incongruité d’éléments iconiques, de ne pas cacher les sutures qui les lient, ou de donner une visibilité du travail de montage est un choix que nous pourrions qualifier de politique.
Dans ce principe il importe moins de s’interroger sur l’origine symbolique des éléments iconiques (animaux, tags, architectures) car ici la trace du mythe et de la croyance a été perdue. En tout cas dans un premier temps. A travers la « tendance parataxique » Adorno affirme que cela se fait « contre la chimère de l’origine ». Le surréalisme nait également de la dépossession des sources ou d’un accord tacite de ne plus les nommer. Ce type d’images oblige donc le spectateur à tout saisir à la fois. C’est un travail qui interroge finalement le rendement en puissance de l’image et ici le rapport entre mise en œuvre plastique et effet sur le spectateur. Dans cette peinture le rendement n’est ni stable, ni autoritaire.
Ainsi voir le travail du peintre reviendrait à une contre-expérience car rien ne serait acquis. Il faut recommencer à zéro, car il n’y a aucune nostalgie pour les choses représentées. […] Walter Benjamin conclurait sans doute : « A la fatigue succède le sommeil, et il n’est alors pas rare que le rêve nous dédommage de la tristesse et du découragement de la journée, en réalisant l’existence très simple, mais vraiment grandiose que nous n’avons pas la force de construire dans l’état de veille. »
A. Renaud – Janvier 2015